# Introduction ien que le modèle néoclassique traditionnel ait été très utile pour analyser les marchés, il n'a pas permis d'expliquer la nature, les frontières et l'organisation des firmes. Il ignore notamment les questions liées à l'organisation de la production ainsi que les problèmes de conflits d'intérêt entre les différentes parties (Chemla, 1997). Mais près de trois quart de siècle après que Coase (1937) a montré l'importance des coûts de transaction dans l'explication de la nature de la firmes et, alors même que les travaux dans le cadre de la nouvelle économie institutionnelle (Williamson, 1975(Williamson, , 1985) ) ont mis en exergue leur rôle déterminant dans l'explication de la frontière et de l'organisation des firmes, il est patent de constater que plusieurs manuels, même récents, d'économie et de gestion continuent de présenter la fonction de coût total comme consistant uniquement en deux composantes: les coûts variables et les coûts fixes. Ils ne font généralement allusion aux coûts de transaction que de manière subsidiaire 1 1 Dans sa 14 ème édition par exemple, l'un des manuels de Comptabilité de gestion les plus utilisé -Cost Accouting : A Managerial Emphasis, . Les coûts de transaction passent alors pour être essentiellement réservés à l'usage des théoriciens spécialistes dont les nombreux travaux ne cessent pourtant de montrer leur pertinence dans l'analyse et la compréhension des décisions au niveau des firmes. Cette ignorance des coûts de transaction dans l'expression de la fonction de coût total serait liée au fait que les travaux qui leur sont consacrés ne se préoccupent pas de la façon dont ils peuvent être explicitement intégrés dans cette fonction. D'ailleurs, à l'exception de quelques-uns qui traitent des coûts de transaction liés aux opérations sur valeurs mobilières au niveau des marchés financiers (Deville, 200;Lesmond et al., 1999), ces travaux ne se préoccupent pas non plus d'indiquer une méthode d'évaluation de ces coûts telle qu'elle puisse être pratiquement utilisée par les décideurs au sein des firmes. A cet égard, Brousseau (1989) note opportunément que l'un des problèmes empiriques majeurs auxquels se heurtent les néoinstitutionnalistes c'est la difficulté de mesurer et même d'approximer le montant des coûts de transaction. Le présent article propose une modeste contribution de solution à ce problème. De plus, il montre que les coûts de transaction doivent être au coeur des stratégies concurrentielles des firmes. L'approche adoptée consiste simplement à exploiter au mieux les débouchés analytiques offerts par l'interrelation qui existe entre la théorie des droits de propriété et la théorie des coûts de transaction. En proposant de mesurer les coûts de transaction de manière résiduelle comme la différence entre le coût total et les coûts variables et fixes intrinsèques dont une approche de calcul est suggérée, nous mettons en évidence le fait que les coûts de transactions sont au coeur de la stratégie de domination par les coûts. L'analyse de leurs principaux aspects-acquisition et utilisation-indique alors que la politique de recrutement, la politique de formation et l'intensité capitalistique sont des variables à la disposition d'un manager pour agir sur ces coûts, en réduisant le coefficient d'inefficience transactionnelle de sa firme. Le reste de l'article est organisé en cinq sections. La section 1 présente la théorie économique des droits de propriété comme fondement de la portée stratégique des coûts de transaction. La section 2 montre que les coûts de transaction doivent explicitement apparaître comme une troisième composante dans l'expression de la fonction de coût total. Elle propose ensuite une approche d'évaluation de ces coûts dont sont déduites des implications stratégiques. La section 3 offre une analyse de la structure des coûts de transaction. De plus, elle propose un modèle théorique pouvant être utilisé pour estimer la contribution des variables explicatives mises en évidence par l'analyse structurelle effectuée. La section 4 conclut l'étude. II. La Théorie des Droits de Propriété, Base de la Portée Stratégique des Coûts de Transaction Une firme peut se définir comme « un système de relations qui apparaît quand la répartition des ressources dépend d'un entrepreneur » (Coase, 1937). Concrètement, ces relations prennent la forme de contrats dont l'analyse est au coeur de la problématique de la nouvelle économie institutionnelle dans la mesure où leur négociation et conclusion engendrent des coûts. Eu égard à leurs sources, ces derniers sont qualifiés de coût de transactions. C'est ainsi que la théorie économique des coûts de transactions se retrouve intimement associée à la nouvelle économie institutionnelle. Cependant, « l'économie des droits de propriété dont l'objectif est de fonder économiquement ce "droit" à contribué de manière significative à l'économie des coûts de transaction » (Brousseau, 1989). L'économie des droits de propriété se fonde en effet sur le fait que les transactions donnent lieu à l'échange de droits de propriété plutôt qu'à l'échange de simples biens physiques. Les transactions se retrouvent donc ici aussi comme objet d'analyse. La nouvelle économie institutionnelle reprend à son compte l'analyse de la théorie économique des droits de propriété suivant laquelle les droits de propriété ne sont pas des relations entre les Hommes et les choses, mais des relations codifiés entre les Hommes qui ont rapport à l'usage des choses (Furutborn et Pejovitch, 1972). Il suffit de considérer que la codification est effectuée dans le cadre de contrats pour constater l'interconnexion qui existe entre la théorie économique des droits de propriété et la théorie économique des contrats. Cette interconnexion conduit les néoinstitutionnalistes à considérer que l'efficacité d'une coalition est liée à la répartition des droits de propriété entre ses membres (Brousseau, 1989). Une distribution optimale de ces droits permet de protéger chacun de l'opportunisme des autres, d'établir des règles de répartition du surplus et de garantir un niveau d'incitation (Grossman et Hart, 1986). Or le chemin qui mène à une telle distribution passe nécessairement par des marchandages et transactions entre les différentes parties pour la spécification de ses clauses contractuelles. Ces marchandages sont l'occasion de comportements stratégiques au sens de Schelling (1960) dans la mesure où chacun y essaie d'influencer le choix des autres d'une manière qui lui soit favorable par la modification de leurs attentes sur la façon dont il va se comporter personnellement. Foss (2003) préconise alors que les recherches économiques en matière de stratégie utilisent essentiellement des modèles dans lesquels les coûts de transaction sont le plus pris en compte. C'est ainsi que les coûts de transaction s'érigent en élément central de la stratégie concurrentielle d'une firme. Ils lui sont d'ailleurs d'autant plus importants qu'ils peuvent affecter cette stratégie concurrentielle à deux niveaux étroitement inter dépendants: celui des relations directes de la firme avec ses partenaires interne ou externe et celui des relations indirectes entre la firme est ses concurrents. Au niveau des relations directes entre la firme et ses partenaires, les coûts de transaction déterminent par exemple le choix des fournisseurs. Ce sont alors essentiellement des coûts de recherches et de négociations qui peuvent conduire à préférer un fournisseur à un autre en raison des économies qu'il permet de réaliser. Ces économies ont une incidence indirecte sur la position concurrentielle de la firme. Par suite, au niveau de la relation indirecte entre la firme et ses concurrents, les économies réalisées sur les coûts de transaction contribuent à la stratégie de domination par les coûts et peuvent même conduire à un réel avantage stratégique, entendue comme une situation dans laquelle la firme réaliserait des profits supérieurs à la moyenne normale dans l'industrie. La contribution des économies sur coûts de transaction à une stratégie de domination par les coûts est potentiellement d'autant plus importante que ces coûts de transaction n'existent pas que dans les contrats entre la firme et ses fournisseurs (partenariats externes), ils existent également dans les relations internes à la firme (partenariats internes). Ils correspondent alors aux coûts engendrés par le dispositif de garantie, de contrôle et de déroulement des contrats. A cet égard, pour simplifier, on peut dire que, étant donné les partenariats possibles d'une firme, les coûts de transaction recouvrent en gros deux aspects : un aspect acquisition des facteurs de production au sens large et un aspect utilisation de ces facteurs. C'est la somme de ces deux aspects qui forme l'ensemble des coûts de transaction dont l'ignorance explicite dans la fonction classique de coût total et la rareté des méthodes de mesure semblent avoir jusqu'ici limité la portée stratégique. Ainsi définie, la fonction de coût total intègre à première vue toutes les charges supportées par la firme dans le processus de production de ? . Cependant, lorsqu'une firme doit affronter la concurrence des ses rivales, un problème majeur avec cette formulation réside dans son caractère trop global qui limite les possibilités d'analyse En effet, si l'on peut bien s'en accommoder dans un cadre idéal de concurrence pure et parfaite avec nullité complète des coûts de transaction suivant le théorème de Coase, il y a un risque à s'appuyer sur une telle formulation en contexte de concurrence imparfaite. Ce risque est lié au fait qu'il est évident que cette formulation traditionnelle n'accorde que très peu d'égards aux coûts de transaction. D'ailleurs, on serait même fondé de se demander si cette formulation n'ignore pas simplement ces coûts. En effet, même en adoptant une posture de "optimiste" pour soutenir que les coûts de transaction liés à l'acquisition des facteurs de production sont pris en compte à la base dans leurs coûts d'achats, il demeure que les coûts de transaction lié à l'utilisation de ces facteurs ne sont comptabilisés par aucune des deux principales composantes dans la formulation traditionnelle de la fonction de coût total. Ce constat sous-tend la nécessité d'ajouter à l'expression de la fonction de coût total une troisième composante qui permettrait de tenir explicitement compte des tous les coûts de transaction inhérents à la production de ?. En notant TC cette composante, l'expression de la fonction coût total serait désormais : C = IVC+ IFC + TC (1) Où IVC et IFC sont respectivement les coûts variables et fixes intrinsèques de production de ?. Par définition, ce sont ceux que notre firme devra nécessairement supporter, même en l'absence de coût de transaction; i.e même en exerçant dans un cadre coasien idéal de base. Lorsqu'on sait la place de choix que la stratégie de domination par les coûts occupe dans le positionnement stratégique à long terme, il y a des raisons d'espérer que cette formulation nouvelle de la fonction de coût total soit de quelque utilité pour l'analyse et la définition de la politique générale dans les firmes. Une particularité importante de la formulation de la fonction de coût total en trois composantes au lieu des deux traditionnelles réside dans le fait qu'elle met clairement en exergue le fait que les coûts de transactions qui ont jusqu'ici été essentiellement réservée à l'usage des spécialistes de la théorie doivent désormais être couramment utilisés par les managers dans leur conception des stratégies de coûts. D'ailleurs nombre d'entre eux le font déjà implicitement, mais le plus souvent un peu comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Néanmoins, cette mise en lumière reste nécessaire dans la mesure où elle permet de prendre pleinement conscience de la grande importance stratégique de ces coûts dont la spécificité conduit le plus souvent à être hâtivement ranger dans la rubrique "frais généraux", au niveau des PME notamment. Contrairement aux coûts variables et fixes intrinsèques qui peuvent aisément être affichés par les fournisseurs et donc être à peu près facilement connus de toutes les firmes en concurrence, les coûts de transaction ne peuvent pas être affichés. Ils présentent un caractère insidieux de coûts privés, "sournois" et aléatoires puisque fortement tributaire de l'environnement des affaires ainsi que de l'habileté, du dévouement et du pouvoir de négociation des différentes parties. Dans un univers où les progrès des technologies de l'information et de la communication transforment chaque jour un peu plus les coûts variables et fixes intrinsèques en connaissances communes, le caractère "sournois" et donc secret des coûts de transaction leur confère davantage un statut d'instrument essentiel dans la définition des stratégies concurrentielles basées sur les coûts. Mais si l'intérêt de tenir compte des coûts de transaction dans les stratégies de domination par les coûts d'une firme est ainsi clairement établit, il reste qu'il faut encore les évaluer pour pouvoir les exploiter dans ces stratégies ; tant il est vrai qu'on ne pilote que ce que l'on mesure, comme le disent fort à propos les contrôleurs de gestion. En réponse à cette préoccupation, on peut en obtenir une approximation du montant des coûts de transaction en suivant la procédure ci-après exposée. A partir de (1) on a directement: TC(?) = C(?) -IVC(?) -IFC(?)(2) Puisque C qui consiste en l'ensemble des charges directes et indirectes est forcément connu de la firme grâce à ses livres comptables, une approche de calcul des coûts de transaction serait de commencer par évaluer IVC et IFC. Pour ce faire, il faut raisonner par rapport l'ensemble de l'industrie à laquelle la firme appartient afin de définir des normes de référence en matière de coût. Concrètement, à défaut de l'existence de normes idéales, on procèdera par benchmarking. Sur cette base, en faisant l'hypothèse que les firmes de l'industrie considérée fabriquent des produits plutôt fortement substituables et ont accès aux mêmes technologies et facteurs de production, IVC et IFC seraient approximés par leur moyenne 2 chez l'ensemble des firmes en concurrence. Afin d'obtenir les valeurs pour ces benchmarks, les firmes peuvent s'accorder pour en confier l'estimation à des consultants aux compétences avérées, à l'image de ce qui se fait déjà pour l'estimation de la valeur boursière d'une entreprise 3 IV. Analyse de la Structure des Coûts de Transaction . Ainsi calculés, les IVC et IFC apparaissent comme essentiellement exogènes à la firme. Par suite, la valeur estimée des coûts de transaction sera non pas une mesure absolue, mais plutôt une mesure relative calculée par rapport à la concurrence. A défaut d'avoir une mesure absolue entièrement propre à la firme, cette mesure relative paraît cependant suffisante dans l'hypothèse où l'objectif de la firme est d'améliorer sa position concurrentielle ou de la consolider. D'ailleurs, il ne semble pas exagérer de croire que tel est le cas par exemple dans les grandes industries mondiales comme celles du pétrole, de l'aéronautique, de l'automobile ou de l'électronique puisque les multinationales qui y opèrent disposent toutes d'une puissance financière suffisante pour accéder aux mêmes facteurs de production que leurs concurrentes. Par rapport aux coûts, l'avantage concurrentiel d'une firme sur les autres trouve alors sa source principalement dans une meilleure efficience transactionnelle. Ainsi, face à la concurrence, il importe pour toute firme de maîtriser ses coûts de transaction. Cette maîtrise suppose une connaissance approfondie de la structure de ces derniers. L'approche résiduelle de calcul des coûts de transaction présentée dans le paragraphe précédent permet d'approximer leur niveau global dans une firme. Si elle lui donne une idée de l'ampleur de son inefficience transactionnelle, la mesure ainsi obtenue n'offre pas à la firme suffisamment d'informations pour envisager des actions en vue de maîtriser ces coûts. Pour ce faire, la firme doit en effet non seulement connaître leurs principaux facteurs explicatifs, mais aussi et surtout pouvoir estimer l'importance de la contribution de chacun au volume ses coûts de transaction. A cet effet, une analyse de la structure de ces coûts est nécessaire. Reconsidérons notre firme initiale. Suivant la théorie économique des droits de propriété, une première étape consiste à considérer que les coûts de transaction sont à l'origine de la dissipation d'une certaine fraction de la valeur finale de l'actif ? qu'elle produit. On peut alors écrire: TC(?) = e? ; avec e le coefficient moyen d'inefficience transactionnelle dans la production de ? exprimée en valeur. Sur cette base, on obtient: ? ? ) ( TC e = Le problème de la firme revient alors à minimiser e. Pour ce faire, elle doit en connaître les principaux déterminants. A cet égard, connaissant les principaux aspects des coûts de transaction, la seconde étape consiste à rechercher logiquement ces déterminants à travers chacun d'eux, à savoir : l'aspect acquisition et l'aspect utilisation. # a) L'aspect "acquisition" des coûts de transaction [TC a (?)] En parcourant les manuels de comptabilité de gestion, on remarque que dans une grande majorité de ces manuels, le coût unitaire hors taxes (CUHT) d'un input est peu ou prou évalué à l'aide de la formule suivante: # CUHT = PUHT + FAA Où PUHT est le prix unitaire hors taxes alors que FAA représente les frais accessoires d'achat consistant en la somme des frais de transport, d'assurance et d'intermédiaires. D'emblée, on constate que cette évaluation ignore les frais de négociation et de préservation des contrats. La circonstance atténuante à la faveur de cette omission peut être trouvée dans le fait que ces frais, qui correspondent en fait aux coûts de transaction, sont généralement des charges indirectes dont l'affectation à un facteur de coût précis n'est pas aisée. Pourtant, il semble évident que l'évaluation du coût unitaire d'un facteur devrait les intégrer. Ceci est possible avec notre coefficient moyen d'inefficience transactionnelle utilisé alors comme une espèce de clé de répartition. En effet, soit j un facteur de production représentant le capital, les inputs intermédiaires ou le travail. Etant donné son coût total d'acquisition 4 dernière peut approximer le coût de transaction lié à cette acquisition par: UTC serait faible, on doit y prendre garde lorsqu'on à affaire à de grandes quantités du facteur j et qu'on se projette dans le long terme. Car, j a UTC peut alors devenir une véritable source de désavantage concurrentiel. En plus de son utilité dans l'élaboration de la stratégie concurrentielle de la firme, elle lui permet aussi d'avoir une vision plus juste de ses marges et peut éventuellement être source d'allègements fiscaux. La théorie des coûts de transaction développée en économie néo-institutionnelle apporte ainsi une contribution directe à la comptabilité de gestion dans la mesure où elle démontre la nécessité d'accorder beaucoup plus d'attention à cette composante du coût qui, ignorée dans le calcul de certains coûts unitaires, échappe fatalement à la vigilance des managers. Pourtant, en raison du fait qu'ils sont par nature davantage subjectifs qu'objectifs, ces coûts de transaction dont le caractère secret et sournois a été souligné plus haut peuvent être à l'origine d'importants gaspillages si la firme n'y prend garde. Et ceci d'autant plus qu'ils présentent aussi la caractéristique singulière de pouvoir quelque fois bénéficier à la fois au représentant de la firme dans la transaction (partenaire interne) et à l'autre partie (partenaire externe). C'est dire qu'ils sont source d'aléa moral et donc favorable au développement de comportements opportunistes chez les représentants même de la firme. En conséquence, l'existence des coûts de transaction liés aux acquisitions induit un autre problème de gestion au niveau de la firme : celui de l'organisation du processus de production depuis l'acquisition des inputs jusqu'à l'écoulement des outputs. En effet, l'aléa moral implique ici que, pour l'acquisition d'un même facteur de production, le niveau des coûts de transaction peut varier en fonction des employés ou représentants affectés à cette tâche par la firme. Cette dernière doit donc veiller à affecter ses représentants de manière optimale en fonction de leur dévouement pour escompter une utilisation efficiente de leurs compétences. # b) L'aspect "utilisation" des coûts de transaction [TC u (?)] L'analyse précédente montre qu'à partir de son aspect acquisition, le calcul des coûts de transaction n'indique pas de variables de décision susceptibles d'être utilisées par la firme pour les maîtriser. Cependant, il débouche sur la conclusion que, sans toutefois ignorer le rôle crucial que peuvent jouer les contraintes propres à l'environnement dans lequel elle évolue, par leurs caractéristiques intrinsèques, ces coûts peuvent avoir des origines dans une utilisation sous optimale de la main d'oeuvre que la firme contrôle. Dans une firme, l'utilisation de l'ensemble des inputs acquis s'effectue dans le cadre de contrats de travail avec les employés qui mettent en oeuvre la production. Sous l'hypothèse qu'elle maîtrise parfaitement la combinaison technologique optimale de production, l'aspect utilisation des coûts de transaction de la firme trouvera l'une de ses sources principales dans l'organisation et la supervision du travail. Cette organisation et cette supervision seront d'autant plus difficiles que le processus de production est complexe. Les coûts de transaction liés à l'utilisation dépendent ainsi logiquement du degré de complexité du processus de production de l'entreprise. La pratique courante dans les firmes révèle qu'on peut à juste titre considérer que, pour un processus de production donnée, ce degré de complexité est assez bien indiqué par le nombre de tâches élémentaires qu'il requiert. Sur cette base, on peut définir un indice de complexité du management des ressources humaines [i cl ] comme étant le complément à 1 du rapport entre l'effectif des travailleurs [l] et le nombre total des tâches élémentaires de travail humain [t l ]. Soit : ? ? ? ? ? ? ? = l cl t l i 1 Toutefois, s'il est relativement aisé d'obtenir des données sur l'effectif de la main-d'oeuvre dans une entreprise, on ne peut pas en dire autant des statistiques sur le nombre des tâches élémentaires de travail humain. Et, même si quelques entreprises aux départements des ressources humaines bien organisés pourraient les avoir, on peut penser que leur nombre restera infime dans la mesure où il n'existe aucune obligation légale à tenir un répertoire exhaustif des tâches de production 6 . A partir du moment où les progrès technologiques et les développements de l'informatique appliquée à la production permettent de plus en plus de substituer le capital au travail indépendamment du degré de complexité des tâches, on peut interpréter la dotation en équipements d'une firme donnée comme un effort de lutte contre la complexité de la gestion des employés. Sur ce fondement on supposera que le capital [k], qui dans une firme se charge de l'ensemble des tâches élémentaires de travail non humain, évolue en sens inverse du nombre total des tâches élémentaires de travail humain. Ainsi, le rapport [l/k] qui est par définition l'inverse de l'intensité capitalistique de la firme évoluera dans le même sens que l'indice de complexité du management des ressources humaines telle qu'on puisse écrire 7 ? ? ? ? ? ? = k l h i cl : . Avec Cette approche de l'indice de complexité est davantage opérationnelle que sa première expression puisque le système comptable légal obligatoire pour toutes les entreprises fournit les informations sur la variable k. Cependant, tel que défini, l'indice de complexité du management des ressources humaines reste relativement limité pour expliquer l'ensemble des coûts de transaction du processus de production de l'actif ?. Il ne concerne en effet essentiellement que les défaillances de direction et tend même à supposer implicitement que toute inefficience trouverait sa source dans une organisation ou une supervision sous optimale. Pourtant, des inefficiences dans le travail, et donc des coûts de transaction, peuvent aussi naître 6 Un tel répertoire serait pourtant également d'utilité publique, notamment dans la conception des curricula de formation. Cela dit, il importe de mitiger cette limite en soulignant le fait que, la quasi-totalité des entreprises qui -en vue de consolider leur compétitivité internationale -obtiennent une certification qualité (suivant les normes ISO par exemple) sont en mesures de produire une liste quasiexhaustive des tâches élémentaires de travail humain dans leurs activités, dans la mesure où la démarche de certification leur impose la rédaction de manuels des procédures de travail très détaillés. 7 Il suffit de garder à l'esprit qu'une augmentation du rapport l/k suppose une baisse relative de k (et donc une hausse de t l ; et de i cl par suite). ; avec m le nombre de types différents de facteurs acquis ; et -de l'autre côté, l'analyse des déterminants des coûts de transaction lié à l'utilisation indique des variables de décision sur lesquelles une firme peut agir ; en l'occurrence : son intensité capitalistique, le niveau moyen d'instruction de ses employés et le budget moyen de formation qu'elle leur consacre. Ainsi, sous l'hypothèse de l'existence d'une forme linéaire de la relation entre TC u et ses variables explicatives, on peut estimer la spécification suivante : t ct c ct c t ut DF DE k l TC ? ? ? ? ? + + + + = 3 2 1 0 ? 1 , ? 2c et ? 3c sont alors respectivement les contributions aux coûts de transaction spécifiquent à l'utilisation de (respectivement) l'inverse de l'intensité capitalistique de la firme, du niveau moyen d'instruction de ses employés par catégorie et du budget moyen de formation qu'elle leur consacre dans chaque catégorie. t ? est l'erreur de spécification alors que ? 0 qui est la constante peut par exemple être interprétée comme la contribution du niveau de synergie ou de l'esprit d'équipe entre les employés. Le même modèle de panel pourrait d'ailleurs être utilisé pour évaluer les contributions des trois variables aux coûts de transaction globaux. Dans tous les cas, on doit escompter ? 1 > 0, ? 2c < 0 et ? 3c < 0 alors que le signe de ? 0 est indéterminable à l'avance. Au prix de quelques calculs, un flash back sur une quinzaine d'années pourrait ainsi permettre à une firme d'estimer ce modèle et d'en tirer quelques enseignements à la fois sur son intensité capitalistique idoine et sur sa politique de recrutement et de formation dans les différentes catégories de ses employés en vue de réduire le volume de ses coûts de transaction. V. # Conclusion La théorie des coûts de transaction éprouve encore beaucoup de difficultés à s'imposer comme une théorie prévisionnelle de l'évolution des structures et comme un instrument de décision économique du fait d'une formalisation déficiente et des difficultés d'approximation du montant des coûts de transaction (Brousseau, 1989). Pourtant, dans leurs décisions de production et même dans la conception de la façon dont ils souhaitent mener leurs activités, les hommes d'affaires doivent tenir compte des coûts de transaction (Coase, 1992). La procédure d'approximation de ces coûts proposée dans cette étude montre que les limites soulignées par Brousseau et déjà reconnues par Williamson dans son ouvrage de 1985 peuvent être surmontées par une judicieuse conciliation entre les développements pertinents de la théorie économique et les enseignements pratiques de la comptabilité de gestion. Mettre ainsi la théorie des coûts de transaction au service de la comptabilité de gestion permet de montrer son utilité opérationnelle. C'est ainsi que notre analyse met en évidence sa portée décisionnelle en matière de stratégie concurrentielle ; précisément en ce qui concerne celle dite de la domination par les coûts. Les coûts de transaction qui sont le principal outil d'analyse de la nouvelle économie institutionnelle se révèlent alors être d'un véritable apport à l'analyse stratégique au niveau des firmes. Et même si ces dernières ont de tout temps utilisé l'intensité capitalistique, la politique de recrutement et la politique de formation de leur main d'oeuvre pour améliorer leur efficacité productive, l'analyse effectuée ici aura au moins le mérite de proposer une approche de modélisation permettant d'évaluer l'impact de chacune de ces variables sur le niveau d'inefficience transactionnelle relativement à la concurrence. Dans un article sur le prix Nobel décerné à Coase, De Bandt et al. (1991) On peut aussi considérer plutôt leur minimum.3 Soulignons que, calculés par industries, ces benchmarks pourront également être d'une grande utilité pour des analyses macroéconomiques dans la mesure où ils sont considérés ex post comme indicateurs des avantages comparatifs ponctuels des différents pays. Pour le facteur travail, il s'agira du coût de recrutement alors que pour les autres facteurs ce sera le coût d'achat. Ainsi calculé, cet indice -dont zéro est la valeur de base-sera d'autant plus proche de l'unité que le degré de complexité est élevé dans la mesure où, plus nombreuses sont les tâches qu'un travailleur doit effectuer, plus difficiles en sont l'organisation et la supervision 55 Les cas de i cl < 0 indiqueraient des situations de gaspillage liée à une surabondance du facteur travail. Si ces cas sont peu probables, il n'est pas impossible qu'on puisse les rencontrer notamment dans les services de certaines administrations. * « L'approche néo-Institutionnelle de l'économie des coûts de transaction: une revue EBrousseau Revue Française d'Economie 4 4 1989 * GChemla Théorie de la Firme et Contrats Incomplets 1997 107 * Traduit de l'anglais (1987) « La nature de la firme RHCoase Revue Française d'Economie 1937. 1987 Economica * The institutional structure of production RHCoase The American Economic Review 82 1992 * DeBandt J JLRavix P-MRomani ATorre ; « Ronald HCoase Prix Nobel 1991 de Sciences Economiques 1991 58 ou l'autre côté du « Tableau noir * « Estimation des coûts de transaction sur un marché gouverné par des ordres : le cas des composantes du CAC 40 LDeville 2001 50 université de Strasbourg * A new estimate of transaction costs DALesmond JPOgden CATrzcinka Review of Financial Studies 12 5 1999 * The strategic management and transaction cost nexus: past debates, central questions, and future research possibilities, Strategic Organization 1 NJFoss 2003 * Properpty rights and economic theory: a survey of recent litterature EFurutborn SPejovitch Journal of Economic Litterature 10 1972 * The cost and benefits of ownership: a theory of vertical and lateral integration SJGrossman ODHart Journal of Political Economy 94 1986 * OEWilliamson Markets and Hierarchies: Analysis and Antitrust Implications New York The Free Press 1975 * The Economic Institutions of capitalism OEWilliamson 1985 The Free Press New York * TCSchelling The Strategy of Conflict Cambridge, MA Harvard University Press 1960 * Global Journals Guidelines Handbook 2018